Depuis le début de la transition militaire au Gabon, la diffamation s’est hissée au rang d’infraction la plus populaire, tant dans les interactions entre citoyens que dans les rapports entre les dirigeants et les médias.

Si cette infraction pénale est censée protéger la réputation des individus, elle semble de plus en plus utilisée à des fins de dissuasion et de répression, selon les observateurs de la société civile.

Ces derniers qualifient ce phénomène de « chantage judiciaire », un mécanisme visant à réduire au silence les voix critiques et à museler les citoyens ou les journalistes désireux d’exercer leur droit d’expression. Cette tendance inquiétante met en lumière une instrumentalisation de la justice à des fins politiques et sociales.

Lire aussi:  [Scandale] Yves de Mbella invite un violeur faire une démonstration à la télé

Un climat oppressant pour les médias

Les médias gabonais ne sont pas épargnés. Ces derniers mois, des organes de presse ont été confrontés à des suspensions par l’organe de régulation et menacés de poursuites pour diffamation après avoir publié des reportages ou des informations sensibles. Cette stratégie vise clairement à refroidir les ardeurs des citoyens et journalistes et à leur imposer une autocensure.

« Aujourd’hui, traiter une information sans crainte de représailles judiciaires relève de l’exploit. Chaque mot, chaque phrase peut être interprété comme une diffamation, surtout lorsque les faits concernent des dirigeants ou des proches du pouvoir », déplore un journaliste sous couvert d’anonymat.

Une notion galvaudée

Le concept de diffamation semble également perdre de son essence au profit d’un usage abusif. Une illustration satirique souvent reprise dans les conversations populaires résume bien la situation : « Imaginez dire à quelqu’un que vous l’avez vu au marché hier. Si la personne estime qu’elle n’y était pas, elle peut vous accuser de diffamation. » Cette anecdote, bien que caricaturale, traduit un sentiment croissant d’insécurité dans les échanges du quotidien, où un simple désaccord peut donner lieu à des poursuites judiciaires.

Lire aussi:  [Tribune] La liberté de la presse au Gabon : entre réalités et défis

Une liberté d’expression menacée

Face à cette montée en puissance de l’accusation de diffamation, de nombreuses voix s’élèvent pour défendre la liberté d’expression. La société civile appelle à un usage plus responsable de ce délit, qui ne doit pas devenir un outil de répression ni un frein au débat démocratique.

Lire aussi:  [Libre propos] Diriger un peuple, ce n’est pas gérer une troupe

En ces temps de transition, où les équilibres institutionnels sont fragiles, il est crucial que les autorités gabonaises garantissent un espace d’expression libre et protègent les médias de l’intimidation judiciaire. Une société ne peut prospérer dans la peur de dire ou d’écrire, et le Gabon ne fait pas exception.

En somme, si la diffamation reste un mécanisme légitime pour protéger les individus contre des accusations mensongères, son instrumentalisation met en péril la liberté d’expression et le droit à l’information. Une réflexion s’impose pour éviter que cette arme juridique ne devienne le symbole d’une transition verrouillée.