Ce matin, le Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguéma, a officiellement promulgué la nouvelle Constitution du Gabon, un acte qui, selon certains médias, marque l’entrée du pays dans la 5e République.

Pourtant, quelques semaines auparavant, avant le référendum du 16 novembre, il était unanimement question de la 2e République. Cette soudaine évolution sème la confusion. Alors, que s’est-il passé entre la version initiale et l’étape finale ?

Un projet initialement dédié à la 2e République

Le 21 octobre 2024, Raymond Ndong Sima, Premier Ministre de la Transition, dévoilait la version finale du projet de Constitution. Ce document portait un titre explicite : “Projet de Constitution 2024 (2e République VF)”. Une appellation largement relayée par les médias et les communications officielles, confirmant l’idée que cette transition visait à poser les bases d’une 2e République.

La notion de 2e République, utilisée sans ambiguïté, semblait marquer une rupture historique avec la longue période précédente, où plusieurs constitutions se sont succédé, sans pour autant être rattachées à des républiques distinctes.

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Un virage inattendu vers la 5e République

Cependant, au lendemain de la promulgation de la nouvelle Constitution, le discours change subitement. Certains médias pourtant considérés comme “sérieux” annoncent le début de la 5e République. Ce glissement sémantique, intervenu sans explications claires, soulève des interrogations. Comment expliquer une telle incohérence dans la narration de cette transition politique ?

Un choix politique ou une confusion stratégique ?

Plusieurs hypothèses circulent. L’une des plus probables est que ce changement pourrait être une stratégie de communication initiée par l’Exécutif. En optant pour l’appellation 5e République, les autorités pourraient chercher à conférer une image de renouveau inspirée des grandes républiques comme la France. Ce choix s’inscrirait alors dans une logique de repositionnement symbolique, éloignant le Gabon des stigmates d’un pays en crise institutionnelle.

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Néanmoins, cette soudaine transition sémantique risque de desservir la crédibilité des institutions et des médias. Si cette démarche est dictée par le pouvoir, elle laisse penser que la presse nationale suit aveuglément une ligne éditoriale imposée, sans prise de recul critique.

Une presse sous influence ?

Depuis le début de la Transition, les médias gabonais sont accusés de relayer une narration dictée par les autorités — qui ont d’ailleurs augmenté leur financement —, qualifiant par exemple le coup d’État du 30 août 2023 de “coup de libération”. Le glissement de la 2e à la 5e République pourrait bien s’inscrire dans cette même logique d’orientation éditoriale.

Ces incohérences répétées montrent les limites d’une presse qui peine à jouer son rôle de contre-pouvoir et d’éclaireur pour la population. Plutôt que de chercher à clarifier la situation pour leurs lecteurs, nombre de médias préfèrent adopter un vocabulaire officiel sans questionner sa légitimité.

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Quelle République pour le Gabon en fin 2024 ?

Aujourd’hui, les citoyens gabonais, déjà déconcertés par les changements politiques, méritent des explications claires et cohérentes. S’agit-il véritablement d’une 5e République, et si oui, pourquoi cette appellation n’a-t-elle pas été adoptée dès le début du processus ? Ou la 2e République, comme initialement annoncé, reste-t-elle le fondement de cette transition ?

Sans réponse claire à ces questions, le flou persiste et alimente le scepticisme vis-à-vis d’un processus qui se voulait pourtant rassembleur et porteur d’une nouvelle ère pour le Gabon.

Dans un contexte où la confiance envers les institutions et les médias est déjà fragile, ce type de confusion risque d’aggraver les divisions et de renforcer le sentiment d’une manipulation de l’opinion publique. Le Gabon se situe-t-il dans la 2e République ou la 5e République ? À ce jour, personne ne semble en mesure de répondre avec certitude.