La situation politique actuelle du Gabon semble être l’illustration parfaite de l’expression « tomber de Charybde en Scylla ».
Si l’on s’inspire de cette mythologie grecque, où les navigateurs évitaient un danger pour tomber dans un autre encore plus redoutable, le pays semble être passé d’un statu quo insatisfaisant à une dégradation profonde sous prétexte de renouveau, de libération.
Les autorités actuelles, arrivées au pouvoir par un coup d’État, considéré par les pro-pouvoir comme un « coup de libération » et par les pro-opposition comme une « révolution de palais », avaient promis un véritable renouveau politique et une transparence économique. Ces promesses incluaient une meilleure gouvernance, une lutte acharnée contre la corruption, et une amélioration notable des conditions de vie des Gabonais. Pourtant, à peine un an après leur prise de pouvoir, beaucoup constatent une réalité bien différente.
Sur le plan économique, les difficultés se sont accrues : le coût de la vie augmente, les entreprises locales peinent à survivre avec un sempiternel couvre-feu qui handicape les activités de nuit, et les investissements étrangers se font rares surtout avec les restrictions internationales. Socialement, les tensions s’intensifient avec un climat d’insécurité grandissant dans les villes et villages, accentuant un sentiment d’abandon parmi les populations.
Entre des alertes de disparition sur les réseaux sociaux, des accidents de la circulation et des bavures des forces de défense et sécurité, les Gabonais semblent pris entre deux étaux. Politiquement, les attentes de réformes démocratiques se heurtent à des actions qui ressemblent davantage à une consolidation du pouvoir qu’à une volonté de transformation. L’adoption par referendum en mi-novembre dernier d’un projet de Constitution qui concentre tous les pouvoirs entre les mains du Président de la République met en mal l’équilibre démocratique.
Cette transition, qui se voulait porteuse d’espoir, engendre plutôt une désillusion qui tend à se généraliser. En effet, la liesse populaire et l’euphorie des foules dans les rues de Libreville au lendemain du putsch du 30 août 2023 fait progressivement place à un sentiment de dépit et de “déjà-vu” avec le retour aux affaires des personnalités issus du régime renversé. Le sentiment d’avoir échangé un système défaillant contre un autre, tout aussi problématique, nourrit une colère sourde. Les Gabonais, qui aspiraient à un souffle nouveau, ont l’impression d’avoir été dupés. Dans les quartiers populaires et les ménages modestes, les espoirs des populations sont douchés.
Après le purgatoire, au lieu d’accéder au paradis, certains Gabonais disent vivre l’enfer. L’enfer dont il est question ici n’est pas seulement une exagération métaphorique : il traduit l’oppression économique, la frustration politique et le désespoir social qui hantent actuellement le quotidien de nombreux citoyens. Il devient urgent que les dirigeants se rappellent que leur légitimité ne se mesure pas seulement à leur capacité à prendre le pouvoir, mais leur engagement à transformer la vie des gens qu’ils gouvernent.
Commentaires récents