Le Gabon, malgré des décennies de réformes et d’efforts pour renforcer la gouvernance publique, continue de faire face à un problème systémique de corruption, selon le rapport Afrobarometer 2024 publié ce mois-ci.

Les données révèlent que les juges, les policiers et les fonctionnaires municipaux sont perçus comme les agents publics les plus corrompus du pays. Ce rapport, basé sur une enquête nationale, met en lumière les défis persistants du pays en matière de transparence et d’intégrité.

Les juges en première ligne

Selon le rapport, près de 68 % des Gabonais interrogés estiment que les juges sont impliqués dans des pratiques de corruption. Ce chiffre illustre une défiance grandissante envers le système judiciaire, considéré pourtant comme l’un des piliers de l’État de droit. Cette perception est exacerbée par des affaires médiatisées où des magistrats auraient monnayé des verdicts ou favorisé des acteurs influents.

L’absence de transparence dans les procédures judiciaires et l’impunité dont bénéficient certains acteurs renforcent ce sentiment de méfiance généralisée. « La corruption au sein du système judiciaire compromet la confiance des citoyens dans l’État et dans sa capacité à rendre justice », alerte le rapport.

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La police, symbole d’un système gangrené

La police, déjà perçue comme une institution coercitive et souvent abusive, figure également en haut de la liste des institutions corrompues. 72 % des répondants affirment avoir été témoins ou victimes de demandes de pots-de-vin dans des interactions avec les forces de l’ordre, notamment lors de contrôles routiers ou pour l’obtention de documents administratifs.

Les observateurs pointent du doigt le faible niveau de rémunération des agents, couplé à un manque de supervision efficace, comme des facteurs aggravants. Toutefois, le rapport note que certains efforts ont été déployés, notamment avec des programmes de formation à l’éthique pour les officiers, mais leurs résultats restent limités.

Les administrations municipales, au cœur de la corruption au quotidien

Le rapport Afrobarometer montre également que les fonctionnaires municipaux jouent un rôle central dans la corruption de proximité. Les Gabonais dénoncent des pratiques systématiques dans l’attribution des marchés publics, l’octroi des permis de construire, ou encore dans l’enregistrement des actes administratifs. Ces transactions illégales, bien qu’apparemment banales, ont un impact significatif sur la vie quotidienne des citoyens et sur le développement local.

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Un exemple courant est l’imposition de « frais supplémentaires » non officiels pour accélérer la délivrance d’un document administratif. Cette corruption endémique, qualifiée de « petite corruption », pèse néanmoins lourdement sur les ménages les plus pauvres, qui sont contraints de céder à ces pratiques pour accéder aux services publics.

Une perception partagée par les citoyens et les experts

Le rapport Afrobarometer souligne également que 78 % des Gabonais considèrent la corruption comme un obstacle majeur au développement du pays. Cette perception est corroborée par des experts qui mettent en avant l’absence de mécanismes de contrôle efficaces et de sanctions dissuasives.

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De plus, les lanceurs d’alerte et les journalistes qui dénoncent ces pratiques se retrouvent souvent exposés à des pressions et des représailles, ce qui freine davantage les initiatives de transparence.

Une crise morale autant qu’institutionnelle

Ce rapport met en lumière un mal profond qui dépasse les seuls dysfonctionnements administratifs. « La corruption est devenue un mode de gouvernance », constate un analyste gabonais. Si les autorités gabonaises ont pris des engagements lors de forums internationaux, les résultats tardent à se matérialiser sur le terrain.

Pour les citoyens gabonais, la lutte contre la corruption est une priorité nationale qui nécessite une volonté politique forte et des réformes structurelles ambitieuses. Sans cela, les promesses de développement risquent de rester lettre morte.

Afrobarometer conclut en appelant à une mobilisation collective, non seulement des institutions, mais aussi des citoyens, pour faire face à cette crise qui érode la confiance et compromet l’avenir du pays.