Dans un entretien exclusif accordée à la rédaction de Funny Gabon, Innocent  Benvone Be-Nze, figure montante du débat politique au Gabon, exprime sans détour son opposition au projet de Constitution soumis au référendum du 16 novembre prochain.

Se présentant comme un fervent défenseur de la démocratie et de la souveraineté populaire, il appelle les Gabonais à rejeter un texte qu’il qualifie de « rétrograde et dangereux ». Entre critiques du pouvoir en place et mise en garde contre un renforcement excessif de l’Exécutif, il détaille les raisons de son engagement pour le NON et alerte sur les conséquences potentielles pour les libertés et les droits fondamentaux des citoyens. Nous sommes allés à sa rencontre ce 12 novembre 2024.

Q : Bonjour Monsieur. Merci d’avoir accepté de nous accorder cette interview pour recueillir votre position par rapport au scrutin référendaire à venir. Pouvez-vous, s’il vous plaît , vous présenter à nos lecteurs ?

R : Je suis Benvone Be-Nze, citoyen gabonais engagé dans le débat politique depuis 2009. C’est en 2021 que le grand public me découvre après mon annonce de candidature pour l’élection présidentielle de août 2023.

Q : Quelles sont les raisons principales qui vous poussent à dire “non” au projet de Constitution soumis au référendum ?

R :  Je milite pour le NON pour plusieurs raisons. D’abord je suis républicain très attaché aux principes démocratiques notamment que le pouvoir vient du peuple souverain. Il s’exerce pour lui et surtout par lui à travers ses représentants qu’il désigne librement pour gerer les institutions qui organisent notre vivre ensemble. Ceci m’amène à dire comme je le fais depuis les événements du 30 août que je ne reconnais pas Oligui comme président du Gabon. Il a usurpé le pouvoir d’état. Je ne saurais donc s’accommoder de cet état de fait.
Oligui a obéit aux ordres d’un groupe d’individus qui ont décidé une unième fois de voler le vote des gabonais et des gabonaises pour qu’ils continuent de piller les richesses de notre pays pendant que le grand nombre vit au quotidien la misère des coupures de courant, le chômage des jeunes, les hôpitaux et les universités qui sont en lambeau.

Lire aussi:  Devant une Constitution mystère, voter « non » est une mesure de sécurité

Pour moi lorsque l’establishment nous nargue et nous traite avec mépris, ce que nous devons faire c’est de voter contre eux comme nous l’avons toujours fait depuis les années 1990. Oligui et ses amis du CRTI-PDG trompent le peuple. J’appelle le peuple à les sanctionner dans les urnes en votant massivement NON au referendum du 16 novembre prochain.
Ça c’est ce qui est du contexte politique de notre pays en général.

Venons-en au contenu du projet de constitution soumit au referendum.
Je dois vous avouer que lorsque la mouture de ce projet de constitution a fuité, je suis tombé de nu. Je n’en revenais pas qu’on puisse nous parler de volonté de faire avancer les choses et qu’on nous propose quelque chose d’aussi rétrograde à tous les niveaux.

Q : Y a-t-il des articles ou des dispositions spécifiques qui vous préoccupent particulièrement ? Si oui, lesquels et pourquoi ?

R : Il y’a bien entendu des dispositions spécifiques qui me préoccupent plus particulièrement. L’article 2 qui consacre le 30 août de chaque année comme “fête de la libération” est une aberration à mon entendement. La république ne peut pas consacrer une journée officielle pour célébrer un acte qu’elle-même condamne la pratique. Ça n’a aucun sens. Un coup d’état un acte hautement anti-republicain.

L’hyper presidentialisme que consacre l’article 69 a fait de Omar Bongo et de son fils Ali les chefs de tout. Nous connaissons tous les dérives que cela a permis. Nous devons nous en éloigner pour éviter de retomber dans les mêmes travers.

Je ne suis pas aussi d’accord qu’on restreigne les droits d’une certains compatriotes à participer à la vie publique de leur pays sur la base de l’âge ou de la filiation. Si Ali Bongo avait succédé à son père c’était du fait de l’égoïsme de beaucoup de ceux qui virevoltent autour d’Oligui aujourd’hui. Ce n’était pas inscrit dans la loi. Qu’ils arrêtent la manipulation.

Lire aussi:  Référendum : Gabon 1re accusée de partialité en faveur du “oui”

Je trouve les dispositions de ce fameux article 43 qui énumère les conditions d’éligibilité discriminatoire à la fonction de président de la République très discriminatoire envers la jeunesse gabonaise qui compte plus de ma moitié de la population. Je pense c’est à eux que je vais lancer le message de se mobiliser massivement pour faire barrage à ce projet de constitution qui leur défavorable.

Il y’a tellement de mauvaises choses dans ce projet de texte constitutionnel qu’on peut passer toute la nuit ici à en parler.

Q : Selon vous, quels impacts négatifs ce projet pourrait-il avoir sur les droits fondamentaux et les libertés des citoyens gabonais ?

R : Le pays aujourd’hui est très fracturé entre ceux qui bénéficient de la manne financière de l’état et ceux qui tirent le diable par la queue au quotidien. Il faut nécessairement éviter qu’on arrive à des situations d’embrasement. Je le sens depuis mon retour au pays il y’a deux ans. Le degré de désarroi est tel que empêcher les gens de s’exprimer est une démarche hasardeuse.

Comment expliquer que si je veux tenir une réunion publique chez moi à Ovan il me faut au préalable obtenir une autorisation du ministre de l’intérieur. On avance ou bien on recule ?

Q : Que pensez-vous de la démarche de consultation et de transparence adoptée par les autorités dans ce processus ?

R : Je ne vois aucune transparence se profiler à l’horizon. C’est pour cela que j’appelle à la vigilance des populations. N’oublions pas nos réflexes d’entant; il faut aller voter mais surtout rester ou bien revenir au bureau de vote pour surveiller le dépouillement.

Lire aussi:  Les pleins pouvoirs du futur Président consacrés par la nouvelle Constitution

Q : Quelles actions concrètes avez-vous mises en place pour mobiliser les citoyens en faveur du “non” ?

R : Nous avions depuis le début de la campagne référendaire initié des actions de proximités sur le terrain pour discuter du contenu du projet de constitution. C’est une méthode que semble bien nous réussir. Nous allons dans les quartiers et les grands carrefours de Libreville et de l’intérieur du pays où on peut sentir un niveau de rejet déjà très important des populations dans la gestion du pays depuis le 30 août. Tout le monde voit que rien n’a changé. Une petite innovation qu’on a instauré c’est les appels directs sur WhatsApp à côté du porte à porte. Nous faisons campagne avec les moyens qui sont les nôtres contrairement aux autres qui eux ont les moyens de l’état à leur disposition. Je le précise pour vous qui parlez de transparence.

Q : Quel message aimeriez-vous transmettre aux Gabonais pour les sensibiliser aux enjeux de ce référendum ?

R : Je pense que l’adoption ou non d’une constitution est une décision plus conséquentielle dans la vie d’un pays plus que le choix d’un président de la République.

Il a beau être le garant de la constitution mais il n’est pas au dessus d’elle. Ce projet de constitution concentré beaucoup trop de pouvoirs sur un seul individu faisant de lui une sorte de leviathan. C’est très dangereux pour un peuple aussi jaloux de sa liberté tel le peuple gabonais. C’est pour cela que j’appelle toutes les couches de la sociétés à aller voter pour NON car nous méritons mieux.

FIN.


En savoir plus sur Funny Gabon

Subscribe to get the latest posts sent to your email.