À Touba, les Sénégalais célèbrent leur leader déporté vers le Gabon en 1895

Aujourd’hui, Touba, la ville sainte du Sénégal, est le théâtre d’une immense ferveur religieuse à l’occasion du Magal, une journée de commémoration marquant le départ en exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des Mourides.

Cet événement, qui attire des millions de fidèles chaque année, est profondément ancré dans l’histoire du Sénégal et dans la mémoire collective de ses habitants.

Un exil forcé sous le joug colonial

En 1895, Cheikh Ahmadou Bamba, leader spirituel et défenseur des valeurs islamiques, est accusé par les autorités coloniales françaises de préparer une guerre sainte armée. Ces accusations infondées ont servi de prétexte pour justifier sa déportation vers le Gabon, où il devait être éloigné de ses disciples et de son influence croissante. Cependant, le Cheikh a fermement rejeté ces allégations, affirmant qu’il menait effectivement une guerre sainte, mais uniquement par le biais du savoir, de la prière et de la piété.

Le 21 septembre 1895, Cheikh Ahmadou Bamba est embarqué sur le Pernambuc, un paquebot brésilien, en direction du Gabon. Son exil forcé le conduit à passer sept années en terre gabonaise, dont cinq ans dans la région de Mayumba et deux ans à Lambaréné. À Mayumba, il est isolé dans des endroits inhabitables, livré aux éléments naturels et sans aucune assistance de la part des autorités. Ce traitement inhumain visait à le briser moralement et physiquement, mais c’est au contraire un homme fort de sa foi et de sa détermination qui reviendra au Sénégal en 1902, accueilli triomphalement par une population en liesse.

Le Magal, un jour sacré et national

Le Magal, qui signifie littéralement « rendre hommage » en wolof, est célébré chaque année à Touba pour commémorer cet épisode marquant de l’histoire du Sénégal. En 2013, l’Assemblée nationale du Sénégal a voté une loi faisant du Magal un jour férié, chômé et payé, reconnaissant ainsi officiellement l’importance de cet événement pour la nation.

Cette journée n’est pas seulement un hommage à Cheikh Ahmadou Bamba, mais aussi une occasion pour les Mourides et tous les Sénégalais de renouveler leur engagement envers les valeurs de paix, de savoir et de piété qu’il a prônées tout au long de sa vie. Elle rappelle également la résistance spirituelle et morale face à l’oppression, un message universel qui résonne encore aujourd’hui au-delà des frontières sénégalaises.

Un événement de portée internationale

Chaque année, des millions de fidèles se rassemblent à Touba pour célébrer le Magal. Cette manifestation de dévotion attire non seulement des Sénégalais, mais aussi des Mourides et des sympathisants venus des quatre coins du monde. C’est un moment de communion intense, où les prières, les chants religieux et les récits de la vie de Cheikh Ahmadou Bamba résonnent dans toute la ville, transformant Touba en un véritable centre spirituel international.

En cette journée du Magal, le Sénégal se souvient de l’exil forcé de son guide spirituel, mais surtout, il célèbre la victoire de la foi, du savoir et de la résilience face à l’adversité. Cheikh Ahmadou Bamba, par son exemple, continue d’inspirer des générations de Sénégalais et de croyants à travers le monde, perpétuant ainsi son héritage spirituel et moral.