Les stagiaires constituent pour bon nombre d’employeurs – en entreprise, du monde associatif ou directement liés à l’État – une véritable armée de réserve, qualifiée, motivée et docile, qui vient concurrencer le bataillon déjà massif des chômeurs. Cet article propose un éclairage inédit de cette situation scandaleuse et interpelle les responsables politiques, syndicaux et universitaires, ainsi que les entreprises à prendre leur responsabilités.

Assurant en principe un complément de formation et une première prise de contact avec le monde du travail, le stage a été en effet très largement détourné de son usage pour devenir bien souvent une simple variable d’ajustement de la masse salariale. Cette série d’articles donne la part belle aux témoignages, car personne mieux que les stagiaires ne pouvait exprimer leurs doutes et leurs frustrations, mais aussi leurs espoirs.

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Elvire et Johan sont deux jeunes étudiants gabonais en 3e année de communication et marketing dans une grande école de Libreville.
Pour soutenir leur diplôme de Licence Professionnelle, l’établissement leur demande de passer un stage en entreprise.

Avec un peu de chance, Elvire obtient un stage. Malheureusement, celui-ci n’est pas rémunéré et elle doit faire avec. Elle doit se pointer à l’entreprise chaque jour à 7 heures 30 et rentrer à 16 heures 30. Son superviseur, après une semaine d’initiation, lui a délégué ses charges et ne vient au bureau que si cela est vraiment nécessaire. Même s’il est là, il est occupé sur les réseaux sociaux.

Le stage qui était initialement prévu pour 3 mois va aller à 6, 9, jusqu’à 12 mois. 1 an au service d’une entreprise qui ne te paie pas ne fût-ce que le taxi alors que tu es productif pour l’entreprise tout ça parce qu’il est difficile d’obtenir un stage au Gabon ?

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Johan, le plus malheureux dans l’histoire, a trouvé un stage dans une structure « de la place » en tant que vendeur itinérant. Il doit arpenter les rues de Libreville, faire du porte à porte pour proposer les services de l’entreprise aux potentiels clients.

Il doit « vendre 5 produits par jour au minimum pour valider son stage », lui a dit le manager. À bout de souffle, les semelles de la godasse usées un côté comme celles des agents QNET et des Témoins de Jéhovah, Johan a dû décrocher et n’a malheureusement pas pu valider son stage et soutenir sa Licence Professionnelle.

Tout comme Elvire et Johan, beaucoup de jeunes au Gabon et ailleurs subissent ce genre d’exploitation au nom de la formation et l’obligation d’obtention du stage qui conditionne la soutenance d’un diplôme professionnel.

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Quant au stagiaire, à la marge du marché du travail, sans ressources financières, il se trouve piégé dans un cercle vicieux : il doit faire des stages parce qu’il ne trouve pas d’emploi, et il ne trouve pas d’emploi parce que d’autres acceptent de faire en tant que stagiaires le travail de véritables salariés. C’est ce tabou du stage abusif que nous faisons voler en éclats dans cette série d’articles incisifs.

Si vous avez été témoin ou victime de ce genre d’agissements, racontez-nous anonymement sur WhatsApp +241 62 21 21 64 ou par email info@funnygabon.com.

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