Le Français Juan Rémy Quignolot a été arrêté à Bangui le 10 mai 2021, en possession de nombreuses armes et munitions. L’arrestation d’un ressortissant français détenteur d’un important stock d’armes et soupçonné « d’activités subversives » par les autorités centrafricaines met Bangui en émoi.

Coupe militaire impeccable, mâchoire carrée et visage fermé. Juan Rémy Quignolot, la cinquantaine visiblement sportive, campe son regard dans celui des policiers qui l’interrogent, et ses deux pieds dans la poussière, devant les locaux de l’Office Central pour la Répression du Banditisme (OCRB), une unité spéciale de la police centrafricaine. A l’exception notable de la chemisette à fleur, l’homme a tout du militaire « en civil ». Et à ses pieds sont étalés, placés bien en évidence pour les besoins d’une présentation à la presse convoquée pour l’occasion, les nombreuses pièces d’un véritable arsenal de guerre.

Fusils mitrailleurs, pistolets, fusil à lunettes, munitions diverses en grand nombre… Il y a là de quoi équiper une petite escouade. Du matériel de bivouac, aussi, des lampes électriques aux sacs de couchage en passant par les rangers et autres capes de pluie couleur kaki, que l’on imagine fort utile dans les forêts centrafricaines, où la saison des pluies a démarré il y a quelques semaines.

Arsenal militaire

Autour de lui, des hommes de l’Office Central pour la Répression du Banditisme (OCRB), une unité spéciale de la police centrafricaine, qui l’ont arrêté à Bangui le lundi 10 mai. Ces images ont fait le tour des réseaux sociaux. La photographie de son passeport aussi. Un document délivré le 1er février 2017 par l’ambassade de France à Bangui, au nom de Juan Rémy Quignolot, né le 17 janvier 1966 à Tunis. Sur un autre de ces clichés très largement partagés, on peut voir un visa pour le Mali – à entrées multiples – valable du 11 novembre 2020 au 11 mai 2021.

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Depuis l’arrestation de ce ressortissant français, la capitale est en émoi. A en croire une source au sein de la hiérarchie policière, l’homme avait été placé sous surveillance « depuis deux mois » et était « soupçonné d’activités subversives », ajoute ce gradé, qui refuse de s’étendre d’avantage. Il était « connu des services », assure le service de communication du ministère centrafricain de la Sécurité publique et de l’Intérieur, qui précise que du matériel informatique a également été saisi.

? Juan Rémy Quignolot, ressortissant français arrêté à Bangui le 10 mai 2021 par l’OCRB pour « activités subversives ».

A en croire le récit qu’en livre notre source au sein de la police, il a été arrêté aux alentours de 13h, alors qu’il circulait sur l’avenue Boganda à bord d’un Toyota Rav-4. A l’intérieur, les policiers ont découvert « des armes et des caméras GoPro d’espionnage ». Ils l’emmènent alors jusqu’à son domicile banguissois, dans le quartier Sica 1, tout proche du centre-ville, qu’ils fouillent de fond en comble.

C’est là que l’arsenal décrit plus haut a été saisi, avant d’être ramené en même temps que Juan Rémy Quignolot jusqu’au siège de l’OCRB, a expliqué à la presse le procureur général près la cour d’appel de Bangui, Eric Didier Tambo, qui a également précisé que du matériel informatique, des cartes de la capitale et plusieurs téléphones avaient été saisis. Des francs CFA , des dollars et des euros ont également été saisis, sans que l’on sache l’ampleur des sommes concernées.

Sociétés de sécurité privée

Présenté comme un « militaire à la retraite » par le procureur Tambo, Quignolot serait « à Bangui depuis 2013 ». « Il semble qu’en 2013, il faisait partie des encadreurs de la Séléka, a assuré le procureur. Il était là avec Bernard Cousin et Christophe Renautau », a ajouté le magistrat, affirmant que ces deux derniers « en 2019, activaient les extrémistes de PK5 », le quartier musulman de Bangui. Renauteau est un chef d’entreprise français, qui se décrit comme un « expert en géopolitique africaine et en sécurisation des zones hostiles » chez Caméli Diamonds sur son compte LikedIn.

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Cet ancien conseiller de François Bozizé – Renauteau revendique notamment d’avoir été décoré de la médaille du mérite Centrafricain pour « services à la nation » par ce dernier en 2004 – affirme avoir travaillé dans plusieurs pays du continent au cours des vingt dernières années. Il dit notamment avoir « collaboré avec la cellule Afrique de l’Élysée sous la présidence Chirac » et avoir été le « conseiller » de « cinq ministres africains en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Congo », qu’il ne nomme pas. Président de la société Aruba Inc., il assure avoir collaboré avec des sociétés occidentales « dans le cadre de la sécurisation des hommes et des investissements en zone hostile ».

Ce n’est pas la première fois que Christophe Renauteau est ainsi publiquement indexé par les autorités centrafricaines, qui l’ont déjà décrit comme une « barbouze » par le passé. En 2018, déjà, dans un entretien accordé à France 24, Faustin Archange Touadéra avait évoqué un « agent », dont « le nom de code est Alpha » qui aurait « envoyé des messages de mobilisation de tous les groupes armés et de certains hommes politiques pour créer une plateforme de déstabilisation de l’État centrafricain ». Cet Alpha, « de son vrai nom Christophe Reneauteau » travaillait avec « un certain Bernard Cousin », affirmait alors le chef de l’État.

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Un « coup médiatique » ?

Juan Rémy Quignolot est « un ancien militaire qui a quitté l’armée à la fin des années 1980 », mais il « n’a pas le profil d’un soldat d’élite », tempère une source diplomatique à Bangui, qui confirme qu’il évolue à Bangui depuis 2013. Selon notre source, Quignolot a notamment travaillé comme garde du corps à la Minsuca. Il a aussi exercé ses talents d’anciens militaires au sein de Powers Sécurité, une société privée de sécurité dirigée par David Moisan, un ancien parachutiste français. Il a également travaillé pour Ecofaune, un programme de préservation des espaces naturels notamment financé par l’Union européenne. « Mais cela s’est mal passé avec certains de ses employeurs », assure notre diplomate, qui met cette mauvaise réputation sur le compte « de problème d’égo et de mythomanie ».

Cette spectaculaire arrestation intervient dans un contexte de tensions entre la France et la Russie sur l’échiquier politico-militaire centrafricain. L’un des premiers à avoir annoncé l’arrestation de Français a d’ailleurs été Valery Zakharov, conseiller de Fauston Archange Touadéré « pour la sécurité nationale », qui est à la tête du dispositif déployé par Moscou à Bangui. Selon une source sécuritaire, l’arrestation de Juan Rémy Quignolot serait un contre-feu, « un coup médiatique pour détourner l’attention des accusations contre les mercenaires russes ». Après la publication, le lundi 3 mai dernier, d’une enquête de RFI sur des exactions présumées attribuées aux « instructeurs » russes qui combattent aux côtés des forces gouvernementales, les autorités centrafricaines ont en effet annoncé l’ouverture d’une commission d’enquête pour « faire la lumière sur les présumés crimes graves ».

© Jeune Afrique